Quatrième de couverture
Lancelot est le plus grand des chevaliers de la Table ronde mais aussi celui dont le destin est le plus tragique lorsqu’il trahit Arthur, son roi, en tombant amoureux de Guenièvre.
Loyal, pur et traître, il ne cesse de nous interroger depuis des siècles, se réinventant à chaque époque.
Neuf auteurs confirmés de l’imaginaire se sont emparés de sa figure pour lui inventer de nouvelles aventures, donnant un éclairage nouveau à ce personnage résolument moderne. Neuf éclats de son âme. Et un peu de la nôtre.
Mon avis
La légende arthurienne me passionne. C’est donc les yeux fermés que je me suis jetée sur cette nouvelle anthologie portant sur le thème, parue cette année aux éditions ActuSF à l’occasion du festival Zone Franche. Cette fois, et comme le titre l’indique, l’anthologie se concentre sur un personnage particulier : Lancelot.
Lancelot, l’ambivalent : meilleur chevalier de la Table Ronde, beau comme un astre mais qui trahit son roi, pour l’amour d’une femme inacessible. Un paradoxe, un amour interdit, un déchirement entre la fidélité due à son seigneur et ses sentiments. Une chute, une tragédie qui ne pouvait qu’inspirer. La série télévisée Kaamelott avait d’ailleurs bien rendu, à mes yeux, cette dualité propre au personnage : parfait d’un côté mais qui, aveuglé par sa passion, fini par commettre l’irréparable, contribuant ainsi à la chute de Camelot.
Mais voyons ce que les auteurs au sommaire de cette anthologie pensent de Lancelot du Lac ! 🙂
Le Donjon noir de Nathalie Dau : on démarre l’ouvrage avec un texte féerique, dans tous les sens du terme. Nathalie Dau, au fil de sa plume toujours aussi envoûtante, exploite l’ascendance féerique de Lancelot, élevé par la Dame du Lac. Elle puise notamment en cette éducation particulière un motif tissé tant de magie que de drame, car c’est là que se trouvera l’origine des tourments du chevalier. Je n’en dis pas plus pour ne pas trop en dévoiler, mais ce premier texte m’a littéralement enchantée et j’ai été ravie de voir la facette féerique de certains éléments de la légende arthurienne retranscrite de façon si émouvante, si belle.
Lancelot-Dragon de Fabien Clavel : Lancelot part en quête du Graal et se retrouve perdu, confronté à d’étranges visites et visions. Un texte hypnotique, qui rend à merveille la situation de Lancelot qui tourne en rond au milieu de divers sortilèges. Un texte qui interroge, aussi, comment le meilleur des chevaliers a bien pu chuter si bas. S’il ne m’a pas marquée véritablement, je me suis laissée prendre par l’atmosphère de ce récit, comme Lancelot est pris au piège de son échec.
Le meilleur d’entre eux de Lionel Davoust : Lancelot s’en retourne dans un royaume en pleine déliquescence, rapporter à Arthur le résultat de sa quête. Une nouvelle très forte, qui prend aux tripes autant qu’elle fait réfléchir. Le sacrifice prend ici tout son sens, dans ce qu’il a de plus noble comme de plus déchirant. L’une de mes favorites du recueil !
Le voeu d’oubli d’Armand Cabasson : un mystérieux guerrier, redoutablement doué, prête son épée à divers meneurs d’homme… où l’on découvre un Lancelot amnésique, guerroyant à l’étranger. Las ! Le mythe, toujours, le rattrape. Comme toujours, Armand Cabasson sait nous emmener dans une Europe et un Moyen-Orient médiéval avec brio, tout comme il retrace le fracas des armes mieux que ne le ferait un cinéaste. S’ajoute la réflexion sur la légende, plus forte que le destin individuel, ce qui donne un texte plaisant à lire et un Lancelot qui tente désespérément de fuit sa chute, ce qui n’est pas sans rappeler un certain Oedipe…
Je crois que chevalerie y sera d’Anne Fakhouri : partis à la recherche de Lancelot, disparu, quatre chevaliers – Gauvain, Lionel, Bohort et Hector – vont durant un étrange voyage découvrir différentes images du chevalier… Un conte surprenant, envoûtant, où l’auteur se saisit de l’image archétypale liée au personnage de Lancelot pour nous offrir un joli jeu de miroirs avec ces Lancelots projetés par les perceptions qu’en a son entourage. Un texte qui m’a bien plu par son côté « conte » et par cette approche multiple.
La Tête qui crachait des dragons de Thomas Geha : Camelot a été envahi par des dragons. Le royaume est saccagé, les victimes nombreuses. Seul espoir : que Lancelot, qui vit en ermite, traite le mal à la racine… Cette fois, la légende est clairement tordue dans le sens où nous plongeons en pleine fantasy dragonienne ! Un dépaysement surprenant autant qu’agréable, où l’on croise un Lancelot qui préfère se réfugier dans des visions qu’affronter la terrible réalité.
Les Gens des pierres de Franck Ferric : sur une île hors du temps, les chevaliers de la Table Ronde maintiennent en bon état les murailles du château. Au loin, la jeune Elaine s’étiole : elle vit recluse en sa tour. Jamais elle ne peut en sortir, sous peine d’attirer le malheur sur le royaume… Ce texte figure également parmi mes coups de coeur de l’anthologie, en raison de sa très belle reprise de l’histoire de la Dame de Shalott. Une histoire superbe autant que triste.
Lance de Jeanne-A Debats : 1936. Raphaël, vampire de son état, est chargé par le Vatican de réveiller Lancelot de son éternel sommeil afin que ce dernier élimine un dragon réveillé par les Nazis. Là encore, du dépaysement est au programme ! Le personnage du vampire est issu d’un roman du même auteur, Métaphysique du vampire, mais la nouvelle se lit fort bien indépendamment. Elle nous balade et nous présente un Lancelot en total décalage avec l’époque durant laquelle se déroule les événements ! Ceci ajouté à la personnalité fort particulière du vampire nous offre un texte réjouissant 🙂 Cependant, nous ne sommes pas là dans l’humour jovial, mais grinçant. D’autant plus que Lancelot n’apparaît pas sous son meilleur jour dans le texte et pour cause… l’antisémitisme ne fut hélas pas l’apanage des Nazis dans l’Histoire européenne. Un texte sans concession malgré son vernis humoristique.
Pourquoi dans les grands bois, aimé-je à m’égarer de Karim Berrouka : on boucle avec un autre texte humoristique – mais clairement barré, cette fois ! Là, encore, les personnages des brigadiers sont issus d’un roman du même auteur (Fées, weed et guillotine) mais le texte peut se lire tout seul (je précise que dans ce cas comme dans celui de la nouvelle précédente, je n’ai pas lu les dits-romans). Un événement étrange a eu lieu près d’Huelgoat, en Bretagne et notre équipe est chargée d’élucider l’affaire, qui mêle écureuils tueurs et vieillard fou se battant à l’épée. Ne cherchez pas de sérieux ici, il n’y en a pas ! 🙂 On aura affaire à un Lancelot qui a quelque peu perdu l’esprit au fil des siècles, à un combat d’anthologie entre deux chevaliers multi-centenaires (à noter que les multiples insultes que se lancent les belligérants valent leur pesant de cacahuètes ^^), sans oublier les fameux écureuils tueurs, évidemment. ^^
Neuf histoires mettant en scène Lancelot, neuf textes qui ont chacun leur propre vision du personnage, leur ambiance, leur ton. Neuf nouvelles qui m’ont régalée, si bien que, si je puis désigner quelques coups de coeur, je dois avouer que c’est vraiment pour en distinguer, car tous les textes m’ont plu ! 🙂 Une excellente anthologie qui ravira tous les passionnés du mythe.
Éditions ActuSF, 373 pages, 2014
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