Du 16 mai au 13 août 2017 à Paris, puis du 20 septembre 2017 au 7 janvier 2018 à Nantes, s’est tenue l’exposition La Bibliothèque, la nuit. Une exposition qui avait ceci de particulier qu’elle se présentait sous la forme d’une visite virtuelle. Chaque visiteur pénétrait dans une pièce meublée à la manière d’une ancienne salle d’étude et se voyait remettre un casque de réalité virtuelle. Une fois celui-ci enfilé démarrait une visite virtuelle de dix bibliothèques – réelles ou fictionnelles.
L’exposition, créée par Robert Lepage et sa compagnie Ex Machina, porte le même titre qu’un ouvrage d’Alberto Manguel et, de fait, elle a été inspirée par celui-ci. L’auteur accompagne d’ailleurs les visiteurs puisqu’il narre les explications qui illustrent chaque bibliothèque. J’ai eu l’occasion de visiter l’exposition et j’ai beaucoup apprécié cette promenade virtuelle, d’autant plus que certaines des bibliothèques visitées avaient été évoquées sur mon blog, dans ma série de billets sur les bibliothèques du monde (série qui, bien qu’en dormance, sera réactivée cette année).
Dix bibliothèques, disais-je donc. Petit tour d’horizon. Une fois le casque en place, l’exposition démarre. On se retrouve projeté dans une forêt et, en tournant la tête, on
constate que l’on est non seulement entouré d’arbres, mais aussi de symboles. Chaque symbole équivaut à une bibliothèque.
L’avantage de la réalité virtuelle permet de se déplacer tant dans l’espace que dans le temps, et même dans l’imaginaire ! Ainsi, les visites des bibliothèques de Sainte-Geneviève (Paris), de José Vasconcelos (Mexico, Mexique), de l’abbaye d’Admont (Autriche) et du temple Hase-dera (Kamakura, Japon) offrent une balade très réaliste. J’ai particulièrement aimé celle au temple, qui offrait un espace relaxant avec ses ouvertures sur des zones de verdure et son atmosphère sereine. J’ai aussi beaucoup apprécié de découvrir, comme en vrai, la bibliothèque de l’abbaye d’Admont, avec quelques ecclésiastiques qui allaient et venaient pour consulter des ouvrages, sans prendre ombrage de mon invisible présence. Pour chacune, la narration d’Alberto Manguel offrait un éclairage sur son histoire et son architecture passionnant.
La visite de la bibliothèque du Congrès de Washington DC (États-Unis) se présentait sous une forme qui permettait de bien voir les peintures qui illustrent le plafond de celle-ci, ainsi que leur symbolique, fortement liée au lieu. À la manière d’une plate-forme descendante, je me voyais démarrer tout contre le plafond avant de descendre petit à petit vers le sol, d’où le détail des peintures n’étaient plus aussi facilement visible.
La bibliothèque du parlement d’Ottawa (Canada) présentait, quant à elle, un ouvrage en particulier, de très grande taille, consacré aux oiseaux. À chaque page tournée par la bibliothécaire, un oiseau de l’espèce décrite se mettait à voleter sous le haut plafond, jusqu’à ce que l’espace soit saturé de cris d’oiseaux, avant qu’un gardien de nuit ne vienne mettre un terme à ce vacarme. Une façon fort plaisante de mettre en avant un des trésors conservés dans cette bibliothèque, sans avoir à faire le déplacement ! 🙂
En revanche, deux visites permettaient au visiteur de se déplacer tant géographiquement que chronologiquement. Deux visites liées par un point commun : la destruction. Il s’agit des bibliothèque de Sarajevo (Bosnie) et celle d’Alexandrie (Égypte). Concernant Sarajevo, la visite nous emmène au temps de la guerre, lorsque la bibliothèque fut détruite par un incendie. La visite, qui offre une vue de l’intérieur de la bibliothèque disparue (reconstruite depuis) présente également, à travers les vitres, le passage de tanks, d’ambulance et d’une population terrifiée. Par-dessus tout cela s’égrènent les notes d’un violoncelle, joué par un homme qui n’a cessé d’utiliser son instrument durant tout le siège de la ville. L’étrange déséquilibre entre cette musique classique et le chaos, en son comme en images, qui règne au dehors et finit par gagner le bâtiment devenue la proie des flammes, crée un certain malaise. Le même malaise revient lorsque, plongée avec bonheur dans les rayonnages couverts de volumen de la célèbre et mythique bibliothèque d’Alexandrie, je me suis soudainement retrouvée environnée de flammes.
Heureusement, mêler l’espace au temps n’est pas forcément synonyme de guerre ou d’incendie. Ainsi, la visite de la bibliothèque de Copenhague (Danemark) offre une juxtaposition des visiteurs passés, sous la forme de figures fantomatiques, à ceux, fort rares, du temps présent. Une illustration de la différence de fréquentation des lieux, en reflet avec les différences de pratiques de lecture d’autrefois et d’aujourd’hui.
Enfin, il est une visite virtuelle qui nous entraîne au coeur d’une bibliothèque fictionnelle : celle du Nautilus, le fameux sous-marin du capitaine Nemo dans Vingt-mille lieues sous les mers de Jules Verne. Toute en noir et blanc, avec des personnages aussi vivants que s’ils avaient été de chair et de sang, la visite de cette bibliothèque m’a donné la sensation grisante d’avoir plongé dans l’une des gravures illustrant le livre ! 🙂
Pour les passionnés de livres et de bibliothèques, La Bibliothèque, la nuit était donc une exposition permettant de réaliser un rêve, grâce au casque de réalité virtuelle. J’ignore si l’exposition sera de nouveau proposée et, si c’est le cas, dans quelle ville, mais si cela devait arriver, je ne peux que vous la recommander !