Mon avis
Ayant toujours des difficultés à avancer rapidement dans mes lectures de roman – pourtant passionnantes ! – en raison d’une grande fatigue, j’ai fait un interlude avec une BD qui me faisait de l’oeil depuis longtemps : Peau de mille bêtes par Stéphane Fert. J’avais adoré Morgane du même auteur (co-scénarisé avec Simon Kansara), aussi avais-je bien envie de découvrir cette nouvelle BD !
Peau de mille bêtes reprend le conte éponyme des frères Grimm, également connu sous le titre Toutes-Fourrures. Un conte proche de celui de Peau d’âne – la couverture de la BD est d’ailleurs une réinterprétation de l’affiche du célèbre film de Jacques Demy. Et quelle revisite ! Je pense que d’emblée, ma chronique ne rendra pas toute la richesse symbolique de cette version par Stéphane Fert.
Comme dans tout bon conte, Peau de mille bêtes propose en effet de nombreux symboles : la
fée-sorcière malicieuse qui guide le jeune héros au père incestueux, ici Roi-Lucane (le jeu de mot entre insecte et inceste est évident !) ; le royaume souterrain qui figure à la fois un refuge et le lieu des métamorphoses, la forêt où les personnages rencontrent leur destin… tout y est, avec la patte propre de l’auteur.
Comme dans Morgane, Stéphane Fert dépoussière complètement le conte ! Le héros n’a rien du prince sauveur tout en muscle. C’est un jeune garçon candide et androgyne, qui se travestit en femme pour retrouver celle qui fait battre son coeur. L’héroïne, pour échapper à la concupiscence criminelle de son père, à la concupiscence tout court, devient une ogresse mangeuse d’hommes. Aucune des robes fameuses du conte n’est demandée par elle – toutes lui sont imposées par son père dans des cases particulièrement fortes, où l’on sent toute l’emprise malsaine que le Roi-Lucane cherche à imposer à sa fille. Avant de lui ôter ce qui lui était le plus cher – ses amis de la forêt – déclenchant ainsi sa colère vengeresse, comme sa fuite.
La résolution du conte sort des sentiers battus, au cours d’un concours de recettes « à l’image de mon âme » dit la jeune femme. Les prétendants se bousculent donc, parmi eux le jeune garçon qu’elle croisa autrefois et à qui elle demanda un baiser… Lors de ce passage haut en couleur, j’ai particulièrement savouré la page où l’auteur tacle les défenseurs du « code des contes de fées », qui réprouvent toute réinterprétation des histoires – un beau pied de nez à toutes les critiques entendues ces dernières années face à certaines revisites de contes, quel que soit le média !
Une revisite rafraîchissante, féministe, sombre et enchanteresse, magnifiée par le style graphique. Un style pastel, avec des touches qui me rappellent les oeuvres de Klimt, un régal pour les yeux ! En bref, un gros coup de coeur !
Lecture réalisée dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge, menu Automne douceur de vivre, catégorie La dame chouette des îles bouillantes
Retrouvez l’avis d’Anoucklibrary, qui a adoré également.
Éditions Delcourt, 113 pages, 2019
Il me tente depuis des lustres ce livre qui a tout pour me plaire 🙂
C’est bientôt Noël, peut-être que tu peux donner des idées ? ^^
J’aime beaucoup le travail de Stéphane Fert (j’ai immédiatement reconnu le trait) et ton retour me donne envie lui aussi. Je note cette BD, merci ^^
Avec plaisir ! Et tu peux foncer sans crainte, elle est très chouette !
On me l’a justement conseillé hier quand je parlais du nouveau titre de l’auteur Marche Brume, ton avis arrive à point nommé !
ça tombe bien alors ! 🙂