Le Bois-Sans-Songe, Laetitia Arnould

Quatrième de couverture

Il est des larmes qui ne sèchent pas. Il est des blessures qui restent ouvertes. Il est des êtres qui les surmontent quand d’autres finissent par sombrer. Il est ceux qui les gardent en eux. À jamais.

Comment survivre quand on est la seule personne éveillée parmi des êtres en proie à des cauchemars éternels ?

Princesse héritière de Modighjem, Liv se retrouve isolée, prisonnière de son pays désormais morne, séparée du reste du monde par un bois infranchissable, né le soir de la malédiction. Jusqu’au jour où son destin erratique croise celui de ce personnage entouré de ténèbres, avec son parapluie pagode et ses airs de prince maudit… Pourquoi continuer à vivre quand les personnes qui nous étaient chères ont été massacrées, quand une principauté entière a sombré face à la rage des hommes et que l’on est seul, le dernier représentant de son peuple ?

Lennart Leifsen a choisi la vengeance comme raison d’exister. Retranché dans son lugubre manoir, penché sur son rouet, il tisse chaque soir, à partir de ses larmes, le sort qui maintient les Modigs sous le joug de ses tourments. Jusqu’à ce que survienne cette jeune fille dépenaillée, aussi agaçante qu’inconsciente, et que les larmes providentielles se refusent à lui…

Mon avis

Voici une réécriture de conte qui aura patienté un certain temps avant que je ne la tire de ma Pile à Lire, comme en attente d’être éveillé d’un long sommeil. Les premières lignes m’ont happée… pourtant, ma lecture – réalisée en la douce compagnie de Nam la conteuse – a parfois été accrochée par des ronces, malgré la poésie de la plume de Laetitia Arnould.

La première partie du roman a souffert de mon état de fatigue – à croire que j’étais sous le même sort que les malheureux habitants de Modighjem – et j’ai avancé à la vitesse d’un escargot malgré mon envie de connaître davantage de Lennart, des mystères de son passé comme celui entourant le sortilège, dont Liv est immunisée. Et puis ma fatigue s’est envolée, et j’ai avalé tout le reste d’un coup !

Le point fort du Bois-Sans-Songe, c’est sans conteste Lennart. Cruel, triste, terriblement tragique et touchant, ce personnage est inoubliable. Sa présence est telle qu’il en éclipse Liv, au caractère d’enfant gâtée insupportable, mais tout à fait cohérent avec la façon dont elle a été élevée, sans cesse surprotégée. Leur relation, marquée par un rejet mutuel épidermique, évoluera par à-coups et revirements, avec une revisite de la scène du baiser qui est aussi originale que logique, et surtout consentie. Une de mes scènes favorites !

Au conte de la Belle au Bois Dormant, Laetitia Arnould a entremêlé celui d’Ole ferme-l’oeil que je ne connaissais pas. Je l’ai lu alors que j’étais avancée de quelques pages dans le roman, pour pouvoir repérer les références. Les deux contes se marient parfaitement, la plume de l’autrice brodant sur le motif du sommeil, du rêve et des cauchemars avec sa douce poésie habituelle, même durant les scènes les plus fortes. Le tout, dans un univers de fantasy inspiré du XIXe siècle, agrémenté d’une pointe d’ambiance gothique, et se déroulant dans un étouffant huis-clos à ciel ouvert.

Malgré tout, disais-je, des ronces ont quelque peu égratigné le plaisir de ma lecture. Des informations répétées, de longs dialogues qui prenaient parfois place dans des circonstances incongrues, des tics d’écriture, une motivation d’antagoniste trop légère alors que j’attendais cette révélation depuis le début… mais reste Lennart. Lennart, LE point fort de ce roman, clairement je n’oublierai pas de sitôt ce personnage moralement gris qui a su s’attacher toute ma sympathie.

Et puis, quelque part, ce roman possède un peu de magie. Je crois bien, vraiment, que Lennart a laissé une partie de son sortilège sur moi. Depuis que j’ai refermé Le Bois-Sans-Songe, il ne se passe pas une nuit sans qu’un mauvais rêve ne vienne la perturber… Car il est des larmes qui ne sèchent jamais.

Éditions Magic Mirror, 2018, 427 pages

2 réflexions sur « Le Bois-Sans-Songe, Laetitia Arnould »

    1. Ravie de te l’avoir fait découvrir ! 🙂 Si tu aimes les revisites de plusieurs contes, outre celui-ci je te conseille Le royaume sans ciel de Charlotte Ambrun, qui revisite 3 contes différents en un seul roman !

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