Petites défaillances, Mina M

Quatrième de couverture

Entendez-vous chuchoter le vent ?

Les battements cadencés du balancier de l’horloge et les tictac réguliers de ses longues aiguilles résonnent comme un air lancinant, au rythme constant de votre coeur.

Reprenez votre souffle et abandonnez-vous à un monde onirique, peuplé de créatures mélancoliques aux allures délicates et dotées d’un soupçon d’inquiétante étrangeté.

Laissez-moi vous conter leurs histoires singulières, empreintes d’amitié, d’amour ou de folie. Laissez-les dévoiler leurs petites défaillances, leurs défauts, leur chagrin ou leurs viles déviances.

Mon avis

Comme je lis très lentement en ce moment, étant assez fatiguée, j’ai voulu faire une petite pause entre deux chapitres de mes lectures en cours avec quelque chose de court. J’ai jeté mon dévolu sur Petites défaillances de Mina M, qui avait rejoint ma PAL à la faveur de soldes organisées par les éditions du Chat Noir.

Petites défaillances est à mi-chemin entre l’artbook et le recueil de poèmes. Au gré des pages, nous découvrons de courts récits mettant en scène d’étranges personnages, allégories vivantes qui se croisent, s’aiment ou se détruisent. Les mots se répondent en musique, coulant comme des rimes, on est presque dans de la poésie ! Mon texte préféré est Pic et Bulle, qui conte une harmonie née de la complémentarité, mais j’ai savouré chaque texte, chacun apportant sa musicalité, ses images, ses symboles, ses impressions.

Quant aux illustrations, on retrouve bien entendu tout le talent de Mina M. À cette galerie de personnages s’ajoutent des motifs récurrents – papillons, insectes, feuilles mortes, lignes toutes en courbes et entrelacs… Teintes pastels et couleurs fluorescentes se marient avec harmonie.

C’est une lecture particulière, que celle des ces Petites défaillances. On entre comme dans un rêve obscur, on se plonge dans un état onirique, nous laissant bercer par les mots rimés, les images qui naissent de ces étranges histoires, les impressions données par les illustrations.

Pour être honnête, cette lecture fut pour moi une expérience plus qu’une lecture – on découvre là l’univers de Mina M, en images et en mots, et cela m’a donné envie de découvrir son Rêver double, que je n’ai pas encore lu. Cette expérience a aussi eu un effet sur ma propre créativité : comme Mina propose beaucoup d’allégories et de symboles, j’avais envie de creuser les pistes offertes, d’extrapoler sur le destin de ces personnages, de tisser mes propres histoires à partir des impressions laissées par ces pages.

Une ballade évanescente faite d’ombres et de beauté, à la fois délicate et brumeuse…

Challenge Printemps de l’imaginaire francophone, menu Beltaine, catégorie Sabbat

Éditions du Chat Noir, 2018, 48 pages

Les cendres du Serpent-Monde, Marine Sivan

Quatrième de couverture

Arrivé sur l’île tropicale de Cahor dans l’espoir de faire fortune, Erik survit tant bien que mal de petites combines. Lorsqu’un historien lui demande de le guider dans la jungle à la rencontre des Natii, le peuple autochtone refoulé loin des côtes depuis que les colons ont envahi l’île, il saute sur l’occasion d’un bon salaire. Mais au milieu des lianes, des souvenirs qu’il pensait enfouis au plus profond de lui-même resurgissent…
Alors que le fragile équilibre entre les peuples menace de se briser, Erik découvre que le but de l’expédition n’est pas celui qu’il croyait. Il va devoir faire un choix entre ce que lui dicte le peu d’intégrité qu’il lui reste et l’appât du gain…

Mon avis

Je me suis lancée dans la lecture des Cendres du Serpent-Monde, attirée par l’ambiance de jungle et d’aventures promise par le résumé. De jungle et d’aventures, il en est effectivement question dans cette histoire, sur ces points, je n’ai pas été déçue ! Sauf que ce roman est plus, bien plus que cela.

Raconté par Erik, narrateur et personnage principal, le récit nous entraîne sur l’île tropicale de Cahor. Cette grande île, recouverte d’une jungle étouffante, a été colonisée sur les côtes. Erik est engagé pour guider un historien, son fils et son aide dans la jungle, pour y rencontrer le peuple autochtone : les Natii. Mais rien ne va se passer comme prévu et Erik, qui fuit son passé, ne pourra bientôt plus nier ses actes.

La première chose qui m’a frappée, c’est que l’autrice parvient à nous immerger dans l’atmosphère moite et dangereuse de la jungle. Climat étouffant, faune prédatrice quelle que soit sa taille (entre le harcèlement des insectes et le danger posé par les grands félins), flore (les lianes qui entravent la progression), dangers divers et variés, on sue et on souffre avec les personnages. Les descriptions ne sont pourtant pas longues, le langage d’Erik est plutôt coloré, mais la plume de Marine Sivan se révèle efficace et, quelques fois, même Erik, avec ses mots gouailleurs, offre un superbe éclat de poésie.

Outre cette plume aussi belle qu’enlevé, l’autre qualité du roman, ce sont les personnages, tous en nuances ou presque. Erik est une crapule, certes, mais une crapule qui a, bien caché derrière ses airs de gros durs, un coeur. Un coeur bien amoché, car il a commis des actes qui le hantent. Le personnage principal offre ainsi un portrait tout en nuances de gris. Il croise d’autres crapules (sans coeur, celles-là), mais aussi des gens comme lui, ou d’autres, comme Silas, porté par la soif de connaissance et par le besoin de renouer avec son fils, Joachim, mais qui n’est pas innocent non plus. Il y a aussi les Natii, peuple qui voit d’un mauvais oeil ces colons, venir les chasser de leurs terres ancestrales.

Si l’action est en effet de mise, en filigrane du texte, on trouve également une réflexion sur la colonisation et ses effets délétères, ainsi que sur l’attitude hautaine des colons – qui se voient en détenteurs de la civilisation et croient mieux savoir que les Natii ce qui est bon pour eux. L’exploitation des terres, les massacres des indigènes, l’incompréhension, le racisme… Tout est là, dans ces relations houleuses entre colons et Natii. Ces réflexions sont présentées de manière subtile, et là encore, en nuances. Il y a aussi des inégalités parmi les colons, certaines étant exploités par d’autres. Et les Natii sont eux aussi partagés dans leurs réactions. Ces thèmes, quoique apparaissant en filigrane, apportent une profondeur supplémentaire au roman.

Mais le thème principal des Cendres du Serpent-Monde, c’est avant tout la rédemption. La renaissance. Erik fuit son passé car il ne parvient pas à admettre ce qu’il a fait. Il vit en crapule, persuadé d’en être une. Il lui faudra un long chemin pour faire la paix avec lui-même. Un chemin qui court tout au long du roman.

Tous ces éléments font que j’ai tourné les pages avec avidité, emportée par le récit, plongée dans la jungle aux côtés d’Erik, de Silas, de Joachim et d’Ashka. J’ai souffert avec eux, pleuré avec eux, frémis avec eux et oui, j’avais diablement les yeux qui piquaient, à la fin. Ces poussières, franchement…

Éditions Scrineo, 2021, 319 pages