Le chien du forgeron, Camille Leboulanger

Quatrième de couverture

Approchez, approchez ! Alors que tombe la nuit froide, laissez-moi vous divertir avec l’histoire de Cuchulainn, celui que l’on nomme le Chien du Forgeron ; celui qui s’est rendu dans l’Autre Monde plus de fois qu’on ne peut le compter sur les doigts d’une main, celui qui a repoussé à lui seul l’armée du Connacht et accompli trop d’exploits pour qu’on les dénombre tous.
Certains pensent sans doute déjà tout connaître du Chien, mais l’histoire que je m’apprête à vous narrer n’est pas celle que chantent les bardes. Elle n’est pas celle que l’on se raconte l’hiver au coin du feu. J’en vois parmi vous qui chuchotent, qui hésitent, qui pensent que je cherche à écorner l’image d’un grand homme. Pourtant, vous entendrez ce soir la véritable histoire du Chien. L’histoire derrière la légende. L’homme derrière le mythe.
Approchez, approchez ! Venez écouter le dernier récit d’un homme qui parle trop…

Mon avis

Sous une superbe couverture aux tons automnaux et aux entrelacs celtiques, Le chien du forgeron nous convie à écouter, de la bouche du narrateur et conteur, l’histoire de Cuchulainn. Pour la férue d’Irlande et de mythes que je suis, ce nom m’est familier. C’est celui d’un héros célèbre des légendes irlandaises, héros guerrier connu pour de nombreux exploits. Parmi les épisodes les plus connus de son histoire figure la razzia des vaches de Cooley.

Camille Leboulanger reprend donc cette légende, en prenant un pas de côté. Car l’histoire, ici, est narrée par un conteur qui a, selon ses dires, côtoyé l’homme qui, aux yeux de son auditoire, est une légende. Il a connu l’homme derrière la légende, et désire apporter son regard au mythe, un regard critique, dont il a conscience qu’il ne plaira pas à tout le monde.

J’ai beaucoup apprécié cette façon de faire qui prévient le lecteur/la lectrice que la revisite de la légende de Cuchulainn est celle, propre, de l’auteur, et non pas une énième répétition du mythe. L’humour du conteur apporte d’ailleurs une petite touche légère bienvenue, dans cette épopée guerrière marquée par la violence, quand il réclame à boire pour hydrater son gosier asséché à force de parler !

L’angle d’attaque de Camille Leboulanger, c’est la déconstruction du mythe de la virilité. C’est subtil, c’est fin, cela apparaît de façon très maline entre les lignes, parfois un peu plus clairement via des répliques franches et bien senties du conteur, mais de façon générale, l’approche de Camille Leboulanger se fait avec une finesse et une justesse fort plaisantes !

Car le conteur, en redéroulant l’histoire de Cuchulainn de son point de vue préservé de l’admiration béate des autres, qui ne l’ont pas connu, interroge sur la construction d’une telle légende. Il cherche à comprendre comment, au fil des choix réalisés par ses proches et de ses propres aventures, un petit garçon est devenu un homme soumis à ses pulsions violentes, au point que ceux qui lui vouent tant d’admiration ne le font que pour éviter de se soumettre à sa vindicte. Il cherche à démontrer que, toute auréolée de gloire soit-elle, la légende cache peut-être des vérités moins agréables à entendre.

Si la violence omniprésente dans cette société guerrière, où l’on s’écharpe à coups de lances pour des raisons plus ou moins solides, où un homme aussi peu sympathique que Cuchulainn est porté aux nues, m’a parfois perturbée – je suis une petite âme sensible et j’ai lu l’ouvrage à une période où mes nerfs étaient particulièrement à fleur de peau – Le chien du forgeron est un petit bijou qui offre un regard original, critique et actuel sur le mythe irlandais.

Il va donc rejoindre mon étagère consacrée aux mythologies et légendes, car à mes yeux c’est un livre à lire si vous aimez les légendes irlandaises. Si vous ne les connaissez pas, je vous le recommande aussi, pour sa façon de nous pousser à nous interroger sur ce qui fait le mythe, et ce qui fait l’homme.

Éditions Argyll, 246 pages, 2021

Cette lecture s’inscrit dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge, menu Automne des mystères, catégorie Les ruines de l’Atlantide

3 réflexions sur « Le chien du forgeron, Camille Leboulanger »

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