Split Tooth, Tanya Tagaq

Quatrième de couverture

Fact can be as strange as fiction. It can also be as dark, as violent, as rapturous. In the end, there may be no difference between them.
A girl grows up in Nunavut in the 1970s. She knows joy, and friendship, and parents’ love. She knows boredom, and listlessness, and bullying. She knows the tedium of the everyday world, and the raw, amoral power of the ice and sky, the seductive energy of the animal world. She knows the ravages of alcohol, and violence at the hands of those she should be able to trust. She sees the spirits that surround her, and the immense power that dwarfs all of us.
When she becomes pregnant, she must navigate all this.

Mon avis

Tanya Tagaq est davantage connue pour sa musique. La chanteuse de gorge offre pourtant avec Split Tooth un premier roman remarqué, puisqu’il a notamment remporté le prix Indigenous Voices Award en 2019 (catégorie Prose publiée en anglais).

Split Tooth est un livre qui se joue des cases. C’est un collage de morceaux de vie, peut-être de la même jeune fille, peut-être de plusieurs jeunes filles différentes. Entre deux passages décrivant la vie de cette jeune fille qui grandit dans le Nunavut des années 70 se trouvent des poèmes. Un texte rédigé en Innuinaktun (un dialecte Inuit) figure aussi sur l’une des pages. Quelques illustrations en noir et blanc de Jaime Hernandez parsèment le texte.

Split Tooth se joue aussi des genres. Fiction ? Autobiographie ? La mythologie Inuit et les esprits animaux comme ceux de la Terre s’entrelacent avec des scènes réalistes. On pourrait donc étiqueter le livre dans la catégorie du réalisme magique, mais ce sera là réduire le contenu de cet ouvrage.

Split Tooth est rédigé par une Inuite et il évoque sans fard les problématiques rencontrées par ce peuple.  Les effets délétères de la colonisation, les traumatismes générationnels, les ravages de l’alcool et de la drogue, la difficulté de vivre alors que le gouvernement vous coupe de votre héritage culturel, occasionnant des blessures psychologiques profondes qui se répercutent de génération en génération. Split Tooth évoque aussi une spiritualité encore vivace, avec cette jeune fille qui voit des esprits, un renard humanoïde, qui tombe même enceinte d’une aurore boréale. Les croyances Inuites sont ainsi inextricablement liées au quotidien de cette jeune fille.

La jeune fille n’a pas de nom. Quasiment aucun personnage n’en a. Ils reflètent un peuple. Ils reflètent l’expérience de l’autrice comme celle de son entourage.

J’ai beaucoup aimé cet ouvrage. Il oscille entre poésie et crudité, entre instants de grâce et moments cruels. À l’image des paysages arctiques, magnifiques de blancheur mais sans pitié pour le voyageur impréparé. C’est le cri du coeur d’une artiste qui évoque par là de multiples facettes de son peuple, sans en occulter les aspects les plus sombres. Le cri de colère d’une femme pour faire écho à ceux, nombreux, des femmes indigènes victimes de viol ou meurtre. Le livre leur est d’ailleurs dédié, ainsi qu’aux survivants des écoles où le gouvernement a envoyé des Inuits pendant de nombreuses années, pour les déculturer. Des écoles où de nombreux abus ont été commis. Des écoles que Tanya Tagaq elle-même a connues.

Split Tooth est un magnifique livre, sans concession, aussi beau et mordant que la glace qui recouvre l’Arctique, aussi poétique et dangereux que les ours blancs, aussi délicat et froid que la neige. Entre phrases de pure poésie et vocabulaire cru se dessine la vie quotidienne de cette jeune fille du Nunavut, profondément entrelacée avec le folklore mythologique Inuit, vivant dans un environnement hostile où la frontière entre le bien et le mal, entre le réel et l’irréel, est brouillée.

Si vous ne lisez pas l’anglais, la version française de cet ouvrage paraîtra mi-mars aux éditions Christian Bourgois sous le titre Croc fendu.

Éditions Viking, 2018, 193 pages.

5 réflexions sur « Split Tooth, Tanya Tagaq »

    1. De rien ! 🙂 Je n’ai pas encore lu De Pierre et d’Os donc je ne saurai comparer mais pour avoir lu quelques extraits de ce dernier, le style de Tagaq est très différent, plus viscéral tout en restant poétique. J’espère en tout cas que Croc fendu (ou Split Tooth, selon que tu lises en anglais ou français) te plaira ! 🙂

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