La Mélodie des Limbes, Nina Gorlier

Quatrième de couverture

« Comment vivre sans rêver ? »

Elisabeth Branwen souffre depuis longtemps d’un vide dans le cœur qu’elle ne parvient pas à nommer. Ses proches la trouvent fantasque et réservée, le médecin de famille s’inquiète de sa santé mentale. Seul son ami imaginaire, Frederik, un être aveugle, mi-homme mi-corbeau, adoucit ses peines. La jeune-fille le rejoint chaque nuit : capable de faire des rêves lucides, elle se réfugie dans les songes pour fuir cette réalité qui ne lui correspond pas.

Son monde bascule le jour où elle croise le chemin de l’Entrepasseur, l’étrange entité qui régit le monde onirique. Son défi est implacable : elle a sept jours pour trouver trois clés qui la mèneront au plus profond de ce royaume. Si elle ne réussit pas avant le temps imparti, Frederik devra mourir.

Dans ce royaume à l’automne éternel, à qui pourra-t-elle se fier ? Confrontée au jeu cruel de l’Entrepasseur, Elisabeth devra faire un choix : renoncer au confort de ses rêves ou prendre le risque de rester à jamais prisonnière de ces Limbes.

Mon avis

Il est des livres si puissants, émotionnellement, que lorsqu’on les a refermés et qu’on tente de lire un autre roman, peu importe notre choix, ceux-ci nous paraissent fades. Si je suis une lectrice sensible, que des histoires qui m’emportent et me remuent, j’en connais beaucoup, rares sont pourtant les livres qui m’ont à ce point bouleversée que les larmes ont coulé. La Mélodie de Limbes de Nina Gorlier fait partie de ces livres.

Il s’agit du second roman de cette autrice, paru aux éditions Magic Mirror qui est spécialisé dans les réécritures de contes – une thématique qui me plaît beaucoup ! Son roman précédent, et son premier, ne m’avait pas convaincue car on sentait encore la jeunesse de sa plume. Mais déjà, j’avais décelé, à l’originalité et la fraîcheur de sa revisite d’un conte célèbre, un grand potentiel chez cette autrice. J’ai donc surveillé ses parutions, et précommandé son nouveau titre : La Mélodie des Limbes.

Elisabeth, quatorze ans, est incomprise de son entourage. Perdue dans un monde onirique, où elle rencontre Frederik, mi-homme mi-corbeau, que tous lui disent être son ami imaginaire, elle se refuse à le considérer comme tel. Mais quand elle rencontre l’Entrepasseur, étrange et terrifiante fillette, qui lui annonce qu’elle n’a que sept jours pour trouver trois clés et ainsi libérer Frederik, tout bascule. Car si elle échoue, Frederik mourra. Et cela, Elisabeth ne peut le supporter. Elle se lance alors dans une quête désespérée, dans un royaume onirique où l’automne ne meurt jamais et où rien n’est ce qu’il paraît.

Le roman revisite le conte des Sept corbeaux des frères Grimm. Je l’avais lu il y a fort longtemps, et ne m’en rappelait guère, mais les éditions Magic Mirror insèrent toujours le conte originel à la fin. Je l’ai lu deux fois : une première avant d’entamer le récit de Nina Gorlier, afin de me remettre l’histoire en mémoire, et une seconde à la fin, ce qui m’a permis de voir comment l’autrice a su réutiliser chacun de ses éléments, de façon fine et poétique.

Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich

Elisabeth possède une personnalité atypique. Elle n’est pas nommée et, n’étant pas spécialiste en la matière, je me garderai bien de tenter de lui attribuer une étiquette. Mais j’ai trouvé agréable de suivre les aventures d’une héroïne neuroatypique. Elle est attachante, d’autant que les liens qu’elle possède avec sa famille comme Frederik sont forts et qu’elle est prête à tout pour ce dernier.

La plume de Nina Gorlier a gagné en maîtrise et coule désormais sans accroc. Elle forme une mélodie qui nous emporte, avec délicatesse et poésie, dans ce monde onirique où se perd Elisabeth. C’était presque comme si je pouvais percevoir le son de la flûte, instrument si cher au coeur d’Elisabeth ! De fait, le récit, empreint d’une ambiance automnale, se déploie comme un morceau de musique. Ses notes s’égrènent et nous emportent, aux côtés d’Elisabeth qui tente le tout pour le tout pour sauver Frederik des griffes de la mort. Une musique qui touche et envoûte, puisque c’était au point où, même quand je posais l’ouvrage pour vaquer à mes occupations, une partie de mon esprit restait perdu, là-bas, dans cet univers onirique où s’aventurait Elisabeth.

Le récit réutilise les éléments du conte de façon intelligente et poétique, jouant avec les symboles, et j’ai beaucoup aimé également les références artistiques qui parsèment le récit. L’atmosphère, très automnale, sied parfaitement pour une lecture de saison.

Comme vous le savez, je suis autrice. Et je sais que, quoi qu’on fasse, on met toujours un bout de soi dans nos textes. Dans La Mélodie des Limbes, Nina Gorlier a mis beaucoup plus que cela. Elle y a mis toute son âme, elle y dévoile, avec des mots d’une poésie déchirante, l’épreuve qu’elle a traversée et qui se devine, entre les lignes. Cela renforce l’émotion déjà présente. Ainsi, certains passages m’ont serré le coeur, avant la partie finale, où l’émotion monte et monte, comme les larmes. Le roman est si poignant, qu’il est difficile, après pareille lecture, de retrouver le cours de son quotidien comme avant !

Parfait équilibre entre conte poétique, onirique et récit émouvant ; entre délicatesse et force des émotions ; entre récit personnel et histoire à la portée universelle, La Mélodie des Limbes permet à Nina Gorlier de dévoiler tout son talent.

Une chose est sûre, je vais continuer à la suivre de près !

Éditions Magic Mirror, 2021, 277 pages

4 réflexions sur « La Mélodie des Limbes, Nina Gorlier »

  1. Je n’aurais pas pensé à regarder ce livre en raison de la couverture. En revanche, ta critique qui souligne la sensiibilité et le poésie que le texte dégage m’intriguent.

    1. C’est un livre très fort, sur un sujet bouleversant, et avec une plume délicate. Je te conseille de te laisser tenter, mais te préviens que c’est très émouvant.

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